Vittorio Brodmann, Werner Büttner, Nina Childress, William N. Copley, Andreas Dobler, Nicole Eisenman, Jana Euler, Peter Fischli & David Weiss, Jason Fox, Mathis Gasser, Vidya Gastaldon, Rachel Harrison, Lothar Hempel, David Hominal, Dorothy Iannone, Hayan Kam Nakache, Karen Kilimnik, Jutta Koether, Friedrich Kühn, Christian Lindow, Tala Madani, John Miller, Kaspar Müller, Laura Owens, Mai-Thu Perret, Walter Price, Walter Robinson, David Salle, Hans Schärer, Jean-Frédéric Schnyder, Michael Scott, Alain Séchas, Konstantin Sgouridis, Josh Smith, Frank Stella, Sarah Tritz, Rosemarie Trockel, Caroline Tschumi, Amelie von Wulffen, Peter Wächtler, Aldo Walker, Sue Williams, Seyoung Yoon
Constatant l’actuel intérêt pour des pratiques figuratives et expressives, l’exposition proposait une généalogie, en réunissant une quarantaine d’artistes européens et américains actifs entre les années 1970 et aujourd’hui. Si le titre (l’esprit du temps) qualifie un climat actuel, il renvoyait également à une exposition éponyme tenue au Martin Gropius Bau de Berlin en 1982. Très discutée à l’époque, elle témoignait de la déferlante qui s’abattit de part et d’autre de l’Atlantique, entre néo-expressionnisme américain, Transavanguardia italienne et Neue Wilden allemands. Manifeste d’une époque, l’exposition berlinoise a marqué l’histoire de l’art récente comme un point d’acmé dans les débats entre modernes et postmodernes, souvent argumentés en termes de vie et de mort de la peinture.
On retrouvait au MAMCO un monumental diptyque de David Salle, Zeitgeist II, exposé à Berlin en 1982. A elle seule, cette œuvre permet d’évoquer la controverse historique, tant le peintre a pu cristalliser les débats autour de la figuration. A l’orée des années 1980, si la tendance figurative est en effet dénoncée par certains comme académique, réactionnaire et dictée par le marché, elle est célébrée par d’autres comme une libération des carcans abstraits et conceptuels qui ont prévalu dans le récit moderne d’après-guerre. Ce retour de la figure s’entrevoit donc comme celui d’un refoulé ; et la peinture peut désormais s’aventurer aussi bien sur les terrains du mélodrame et de l’allégorie, que sur ceux du grotesque et de l’abjection.
Il faut souligner la réévaluation parallèle d’une peinture longtemps tenue en marge de l’histoire de l’art officielle, comme en témoignent les expositions Bad Painting en 1978 ou The Other Tradition en 1966 : une peinture provinciale, à rebours des canons esthétiques, qui manipule un répertoire iconographique allant de l’art antique à la culture de masse. D’où l’importance de figures comme William N. Copley ou Dorothy Iannone par les liens qu’elles ont su tisser entre vernaculaire et avant-gardes.
Ces débats artistiques ont trouvé une résonance particulière en Suisse : dans le Zurich des années 1970, les frasques artistiques d’un Friedrich Kühn sont autant de désaveux du dogme de Max Bill et de l’abstraction concrète, tandis que Peter Fischli et David Weiss puisent dans l’art brut et le folklore des motifs propices à questionner la virtuosité et le statut de l’artiste. Longtemps perçu comme un récit parallèle pris dans une dialectique outsider / insider, cette « autre » tradition, cette « autre » modernité apparaît aujourd’hui comme une extension du champ des possibles picturaux.
L’exposition du MAMCO conduisait le visiteur à travers plusieurs étapes de ce récit divergent, envisagé dans une géographie transatlantique, qui marque le questionnement critique de l’image, de l’expressivité et du style. Les contributions des plus jeunes artistes nous rappellaient en outre que, à l’ère de la saturation des images, les pratiques contemporaines sont peut-être davantage figurales que figuratives et que l’expressivité s’entend comme un outil critique plutôt que le témoignage d’une subjectivité toujours incertaine.
- Exposition organisée par Paul Bernard, Lionel Bovier et Fabrice Stroun
- L’exposition a bénéficié du soutien de la Fondation de bienfaisance du Groupe Pictet