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Tony Conrad (1940-2016) a apporté des contributions discrètes mais essentielles à la culture contemporaine. Son œuvre protéiforme prend corps par des interventions ciblées dans des champs culturels très différents : musique, cinéma, vidéo, peinture, enseignement ou encore média-activisme. C’est une véritable entreprise d’interrogation des institutions et des codes culturels, considérées comme normatifs et autoritaires, que l’artiste poursuit. La notion d’auteur, la composition musicale, le cadrage, le montage, la perspective ou les médias sont autant d’institutions que l’artiste se plaît à manipuler de l’intérieur. Maniant la critique radicale autant que l’humour, il élabore une œuvre unique échappant à toute classification.

Ainsi, même si Tony Conrad aura influencé des pans entiers de la culture contemporaine, son nom reste peu connu du grand public : « I don’t mind being anonymous though. I hate celebrity » confiera-t-il en 2016, en se positionnant comme antithèse des positions de Andy Warhol qui avait dit « qu’à l'avenir, chacun aura droit à 15 minutes de célébrité mondiale ».

L’histoire de cette diffuse et subtile offensive débute en 1962 lorsqu’il introduit le principe musical du drone en jouant et tenant de très longues notes sur son violon dans le collectif musical Theater of Eternal Music. Réunissant, de 1962 à 1965, La Monte Young, Marian Zazeela, Angus MacLise et John Cale (du Velvet Underground), ce groupe s’attaque aux principes de composition dans le prolongement de la révolution amorcée par John Cage.

Alors que ses collègues poursuivent leurs carrières musicales, Conrad s’éclipse déjà pour opérer ailleurs – dans le champ du cinéma expérimental. Son film The Flicker (1966) représente autant un affront au médium du cinéma qu’une manière de contester la passivité du spectateur. L’intensité visuelle et sonore de The Flicker marquera l’histoire du cinéma, de l’art et de la musique. Face à cette consécration, et avec l’humour qui le caractérise, il va poursuivre sa réflexion sur le médium filmique en faisant subir aux pellicules de celluloïd vierges diverses « cuisines » : frits, cuits, marinés ou en Sukiyaki, ses films se regardent dès lors dans des bocaux à conserve plutôt que sur écran (1973-1974).

C’est à cette période également que l’artiste et musicien invente ses premiers « outils acoustiques inventés ». Des instruments de musiques déconcertants et servant parfois à ses concerts, comme pour la performance Fifty-Five Years on the Infinite Plain à The Kitchen de New York en 1972.

En parallèle, sa série des Yellow Movies (1972-1973) lui permet de faire converger son obsession pour l’expérience de la longue durée et ses expérimentations cinématographiques. Ces grands aplats de peinture à la laque blanche bon marché sur papier et aux proportions d’écrans de cinéma sont destinés à jaunir avec le temps et considérés par l’artiste comme des « films » au potentiel de durée infinie.

Dans les années 1980, Conrad s’engage plus intensément dans une critique des médias. D’une part en réalisant des films et des installations voulues comme des allégories sur le pouvoir et l’autorité, notamment en collaboration avec Mike Kelley et Tony Oursler (Beholden to Victory, 1983 ; Jail Jail, 1982-1983 ; Panopticon, 1988). D’autre part intervenant directement au cœur des médias dominants dans un esprit d’activisme social. Cet engagement se rend visible avec Studio of the Street (1990-1993), un programme de télévision diffusé sur un réseau public (Public Access Channel) qui donnait la parole – et l’image – aux citoyens de Buffalo. Puis par Homework Helpline (1994-1995), une émission de soutien scolaire pour les élèves de quartiers défavorisés de la ville nord-américaine.

Du milieu des années 1990 jusqu’à sa disparition en 2016, Conrad se lance dans une forme d’unification et de relecture de la totalité de son propre travail. Il donne des concerts ou des conférences dans le monde entier, redimensionne d’anciens travaux tout en s’engageant dans différentes nouvelles séries d’œuvres. L’exposition du MAMCO se propose de retracer ce parcours de près de 60 années d’activisme culturel en tenant compte des prises de position de l’artiste quant à la façon de montrer ses œuvres dans des institutions d’art contemporain.

  • L'exposition, organisée par Balthazar Lovay, est une collaboration avec le Kölnischer Kunstverein, Cologne et Culturgest, Lisbonne et se fonde sur la rétrospective de la Albright-Knox Art Gallery, Buffalo (2018-2019)
  • Avec le soutien de la Fondation du Groupe Pictet
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