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Trop intelligente, trop belle, trop forte, trop « rouge » ? Le mélange de fascination et de crainte que Chantal Montellier a suscité a souvent relégué son travail au second plan de sa réception critique, alors qu’il aurait dû être au centre de l’attention. Cette exposition se concentrait sur la période la plus prolifique de la carrière de Montellier, pour inscrire son œuvre dans l’histoire de la bande dessinée comme l’une des plus politiquement pertinentes de son époque.

De 1978 à 1994, c’est-à-dire de ses débuts dans Charlie Mensuel, Ah ! Nana et Métal Hurlant à la publication de la troisième aventure de Julie Bristol aux éditions Dargaud, Chantal Montellier a produit l’un des corpus de bandes dessinées les plus singuliers de son époque, de par la persistance de son rapport critique au monde. Dans une période qui a vu la bande dessinée se répandre ainsi au-delà des rayons jeunesse des kiosques et des librairies, l’œuvre de Montellier s’impose rétrospectivement comme l’une des plus authentiquement adulte que la bande dessinée européenne d’auteur·trice ait produites. Chez Montellier, la critique de l’économie politique s’épaissit d’une critique de la société de contrôle, d’une critique de la société de consommation, d’une critique du patriarcat et d’une dénonciation des violences d’Etat.

Opposant la froideur du réel à l’escapisme régressif ou aux nostalgies délétères, l’œuvre de Chantal Montellier dans son versant réaliste autant que dans son versant dystopique est emplie d’images qui ne paraîtront excessives qu’aux modéré·es. Paris y est hantée par les Communard·es assassiné·es, les centres commerciaux y sont dépeints comme des laboratoires d’une expérimentation sociale à ciel fermé, les hommes comme des crocodiles, l’eugénisme y est assisté par ordinateur, des cadavres naturalisés y servent à vendre des voitures d’occasion et Big Brother y est un vieil homme blanc chauve dont notre conditionnement culturel nous force à trouver la tête sympathique. Si l’institution asilaire y est décrite et dessinée avec une minutie de documentariste, elle est aussi présentée comme l’envers d’un monde dans lequel les fous les plus dangereux sont aux manettes, toujours du bon côté du manche et possèdent les codes des diverses mallettes nucléaires. Quant aux assassins de l’ordre (les inspecteurs de police), ils y ont une belle gueule, mais ont élevé la bavure en pratique bureaucratique.

  • L’exposition était organisée par Rosa Brux, Vanina Géré et Frédéric Wecker en collaboration avec l'École nationale supérieure d’art et de design de Nancy (Énsad Nancy), la Villa Arson et avec le soutien de la galerie Huberty & Breyne
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