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Dependents

Depuis plus de dix ans, Ghislaine Leung (1980) explore la façon dont se constitue la valeur d’une œuvre et les négociations que les artistes mènent autour de leurs « dépendances ». Aussi appelées « protocoles », ses œuvres prennent la forme de textes qui permettent leur réalisation matérielle. Par ce processus dynamique, Leung établit une relation singulière avec l’institution qui l’invite. Les partitions qu’elle a produites avec le MAMCO incluent :


Violets 3

Ghislaine Leung, 2019

Partition : Tous les partenaires de l’exposition fournissent au moins un objet à exposer.

Mixed Sports

Ghislaine Leung, 2021

Partition : Un pavage fait d’éléments imbriqués et d’un carré central, dans deux couleurs complémentaires. Pas plus de deux couleurs de tapis de sol en mousse ne peuvent être utilisées. Les éléments doivent recouvrir tout l’espace d’exposition.

Hours

Ghislaine Leung, 2022

Partition : Une peinture murale de la taille du mur de l’atelier de l’artiste incluant toutes les heures de la semaine, celles consacrées au travail d’atelier marquées en noir (jeudi 9-16h, vendredi 9-16h).

L’œuvre fait écho aux mouvements des années 1960 tel que l’art conceptuel. On peut ainsi penser aux préceptes de Lawrence Weiner (« L’artiste peut construire la pièce ; la pièce peut être fabriquée ; la pièce n’a pas besoin d’être réalisée ») ou à la « critique institutionnelle », qui consistait à malmener les paramètres d’un contexte pour en éclairer le déterminisme. Si Ghislaine Leung reconnaît cet héritage artistique, elle en comprend aussi les limites : « Enlever un mur d’une galerie, exposer le contrat de vente d’une œuvre, exposer la caisse utilisée pour expédier une œuvre – tout cela fonctionne ou a fonctionné à certains moments ». Aujourd’hui, ces gestes radicaux visant à la transparence ne garantissent plus un processus critique et permettent surtout une requalification positive de l’institution qui, désormais commanditaire, sait s’exposer à la critique de l’artiste. Par ailleurs, la dématérialisation propre à l’œuvre protocolaire n’assure plus l’indépendance de l’artiste par rapport à l’institution. 

Les « partitions » de Leung cherchent donc à examiner des espaces plus imperceptibles de la dépendance afin d’articuler la nature nécessairement co-produite de l'art avec sa structure de valeur. En ce sens, même si l'artiste ne construit pas ou ne fabrique pas l'œuvre, celle-ci doit être réalisée. Les œuvres de Leung chargent l'institution de cette tâche, tout en pointant la manière dont cet acte soutient les autres dépendances auxquelles l’artiste est soumise – au premier rang desquelles se trouvent son rôle de mère et les emplois complétant son revenu. De la structure économique de l'institution, elle aussi dépendante de partenaires financiers, à l’organisation de la vie familiale de Leung, en passant par l’aménagement de ses heures d’atelier en fonction des engagements professionnels ou de la garde de ses enfants, la transparence est élargie et modifiée par la reconnaissance de diverses formes de dépendance : « Mon désir de masquer ma situation est une entrave à la compréhension du travail et de notre capacité mutuelle à le comprendre et le défendre. Il s’agit de réfléchir aux moyens de production dont disposent, non seulement moi, mais également les nombreux artistes qui doivent composer avec leur emploi et leur vie. »

Par cette approche complexe, cette pratique matérielle et l’analyse de ces jeux d’interdépendances, Ghislaine Leung fait le pari d’une possible transformation de ces rapports et postule une « actionnalité » de l’art.

  • Exposition organisée par Julien Fronsacq
LE MAMCO TIENT À REMERCIER SES PARTENAIRES
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