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Quicksand 2

Au premier abord, le dispositif conçu par John M Armleder (*1948) pour le Dairy Art Centre de Londres en 2013 et produit dans une nouvelle version pour le MAMCO, se présente comme un stockage de type industriel partiellement rempli d’objets hétéroclites (feuilles de Plexiglass, fleurs artificielles, livres, etc.) et animé de dispositifs sonores et télévisuels. John M Armleder a, semble-t-il, pris plaisir à mélanger des registres mobiliers, artistiques et décoratifs, naturels et artificiels, dans un ensemble qui évoque aussi bien un magasin, qu’un atelier d’artiste ou la réserve d’un musée. Car, les objets réunis tantôt rappellent leur origine commerciale et industrielle, tantôt renvoient à des œuvres dont ils seraient des fragments. 

A l’instar d’installations précédentes de John M Armleder qui empilent porte-bouteilles, moules et luges et convoquent les figures de Marcel Duchamp, Marcel Broodthaers et Joseph Beuys, les objets de Quicksand 2 rappellent en effet ce pouvoir de « transfiguration du banal » qu’Arthur Danto prête à l’art. A l’origine de ce principe de transformation d’un objet quotidien en œuvre, se trouve évidemment la pratique du « readymade » au début du 20e siècle, mais aussi le Pop Art américain des années 1960 et la « commodity sculpture » des années 1980 (avec Jeff Koons, Haim Steinbach et, justement, John M Armleder).

Mais, l’on pourrait tout aussi bien penser aux « Wunderkammer », ces chambres de merveille où les collectionneurs de la Renaissance tardive réunissaient des trésors naturels, scientifiques et artistiques. Car, c’est à ces systèmes de classification que s’attaque, in fine, Armleder : le pouvoir du « display », de l’acte de monstration et d’organisation (aussi chaotique qu’elle soit), nous dit-il, prévaut toujours sur la nature des éléments montrés. C’est dans l’arrangement, la mise en relation et la volonté, quelque illusoire qu’elle puisse être, de faire sens avec des objets que se situe le travail artistique. Rien, en effet, ne peut être considéré comme entièrement original ou reproduit, empreint d’une volonté artistique ou, au contraire, commerciale, sans une mise en forme qui est aussi un art du contexte.

Ce sont là les sables mouvants, comme l’indique le titre de l’œuvre, dans lesquels l’artiste invite les spectateurs à progresser. Métaphore du musée comme conservatoire de fragments de démarches artistiques, image d’un réservoir de formes disponibles pour le façonnage potentiel d’une œuvre, reflet de l’assortiment d’un improbable fournisseur, l’installation de John M Armleder condense les préoccupations d’un artiste actif depuis la fin des années 1960. Dans les années 1970, son travail au sein du groupe Ecart marque la non-distinction entre activités artistiques et quotidiennes, dans le sillage de Fluxus. Dans les années 1980, ses « Furniture Sculptures » (sculptures d’ameublement, au sens d’Erik Satie), marquent le destin mobilier des pratiques d’avant-garde. Dans les années 1990, ses « Pour Paintings » et ses peintures murales affirment le caractère ancillaire de la composition à un programme plus ou moins aléatoire. Dans les années 2000, ses plateformes installatives renvoient tout effort artistique (ou curatorial) à l’horizon de la « série B », où un dispositif prévu pour un scénario donné devient le lieu d’une nouvelle réalisation. Aujourd’hui, alors que nous percevons le mouvement général de cet œuvre singulier, nous pouvons plonger le regard au cœur de ce maelström de formes, de médias, d’inventions et de reprises, de gestes et de références et, comme dans la nouvelle de Poe, nous comprenons que ce vortex entraîne tout dans sa force tourbillonnante. Certains pensent même que le phénomène a un œil ; gageons que, dans ce cas, c’est lui qui nous regarde.

  • Le projet était organisé par Lionel Bovier
  • Conçue pour le MAMCO, l'installation a été offerte au musée par l'artiste
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