Après des études en architecture puis en peinture à l’Ecole des Beaux-Arts de Nantes, où il naît en 1924, Martin Barré s’installe définitivement à Paris au tournant des années 1950. Des expositions personnelles et collectives en 1954 et 1955 marquent ses débuts sur la scène artistique parisienne. Abandonnant le langage de ses années de formation, il développe dès lors une œuvre abstraite singulière – entreprise à laquelle il se consacre avec rigueur et inventivité pendant les quatre décennies suivantes, jusqu’à son décès en 1993.
D’une extrême cohérence, son œuvre est généralement envisagée selon cinq périodes. Entre 1954 et 1962, un premier moment donne corps à une synthèse inédite des leçons artistiques du premier 20esiècle et de l’abstraction de l’Après-guerre. Entre 1963 et 1967, il élabore un corpus pionnier dans l’histoire de la peinture contemporaine en recourant à la bombe aérosol pour créer des tableaux qui mettent en scène l’inscription du geste et du temps sur la toile. Définies comme son « épisode conceptuel », les années 1969-1971 sont l’occasion de s’essayer aux possibilités conceptuelles de la photographie et de l’exposition comme œuvre – une manière de poursuivre, par des voies nouvelles, son examen du médium pictural et de ses conditions d’apparition. En 1972, son retour à la peinture ouvre une période de vingt années de création : entre 1972 et 1977, le processus de structuration du tableau, quadrillé d’une grille rendue visible par inscriptions, marquages et recouvrements successifs, forme le cœur de son travail ; entre 1979 et 1992, une réflexion croisée sur la couleur et la combinatoire dominent sa démarche.
Travaillant par séries, il prend en charge l’ensemble des paramètres picturaux pour libérer le potentiel dynamique, spatial comme mental, de la peinture. Envisageant chaque tableau à la fois en lui-même et comme un élément en relation avec les autres œuvres de la série auquel il appartient, Martin Barré mène un travail précis, quasi « linguistique », où la question de la formation du tableau est première, où s’élaborent des articulations choisies entre couleurs et réserves, premier et arrières plans, l’espace pictural et son hors-champ, la transparence et la bordure.
Première exposition d’envergure dédiée, en Suisse, à cette figure essentielle de la scène artistique du second 20e siècle, l’exposition retrace, à partir d’œuvres représentatives de chaque période, l’entreprise picturale de Martin Barré : celle qui l’a conduit à continûment expérimenter les possibilités sensibles, mentales, chromatiques et physiques de la forme tableau, envisageant la peinture comme un terrain de jeux conceptuels et visuels, un lieu où penser et mettre en forme cette pensée.
- Exposition organisée par Clément Dirié
- Avec le soutien de la Fondation Gandur pour l'Art et de l'Ambassade de France en Suisse