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Électricien puis topographe à Bucarest, le Roumain Paul Neagu (1938-2004) étudie en autodidacte la philosophie et le dessin géométrique. Il suit finalement des études d’art classiques à l’Institut d’arts plastiques Nicolae Grigorescu à l’issue desquelles il voyage et expose dans plusieurs pays soviétiques, puis en Europe occidentale. Il s’installe définitivement à Londres en 1970 grâce à l’entremise du commissaire d’exposition écossais Richard Demarco. Dès lors, en parallèle à sa pratique, il enseigne successivement dans différentes écoles d’art londoniennes, où il compte parmi ses étudiant·e·s Anish Kapoor, Rachel Whiteread, Tony Cragg ou encore Marc Camille Chaimowicz.

Peu avant son départ pour le Royaume-Uni, Neagu développe une sculpture contrainte par un choix restreint de matériaux, tous bon marché, tels que des boîtes d’allumettes, du carton, du bois ou du cuir. Il crée des objets construits par unités cellulaires, parfois articulés par des charnières, qu’il met en scène lors d’actions urbaines à Bucarest (documentées dans le film Neagu’s Boxes, 1969). Nourri par ses lectures anthroposophiques, il formule, dans le Palpable Art Manifesto publié à Edimbourg en 1969, les bases théoriques sur lesquelles il construira l’ensemble de son œuvre : la vision d’un art qui s’appréhende par les cinq sens et qui appelle à l’interconnectivité des êtres avec leur environnement. Nommé Anthropocosmos, ce système se traduit dans ses œuvres par une grille alvéolée qui fragmente en cellules creuses et rectangulaires les parties sensibles du corps humain – le doigt, la main, les lèvres, l’œil, le sein – ou le corps tout entier. 

Insérée dans une grille géométrique, la figure humaine participe à un système intitulé Generative Art Code. Celui-ci théorise et codifie la coexistence dynamique des trois régimes qui, selon l’artiste, définissent les expériences philosophiques ou sociales : l’instinct primaire (représenté par le triangle), l’ordre et la rationalité de la société cartésienne (le rectangle) et enfin la révélation du soi grâce à la libération des normes et des contraintes (le cercle). Cet affranchissement ne peut être atteint que par le mouvement : le saut, la ronde, ou la « tornade », un motif-clé de l’œuvre de l’artiste. Fort de ce programme, Neagu fonde en 1972 le Generative Art Group, un collectif de cinq artistes dont il est le seul membre non fictionnel, et du nom duquel il signe un catalogue et de nombreuses œuvres. Chacun des membres du groupe, dûment nommé et doté d’une biographie, se présente comme l’unité constitutive d’une superstructure.

Durant la décennie 1970, soit la plus décisive de son œuvre, Paul Neagu expose à trois reprises à la galerie Rivolta de Lausanne, avec laquelle il entretient une relation de confiance. Les expositions qu’il y conçoit en 1972, 1976 et 1981 sont envisagées comme des entités harmonieuses, l’artiste dessinant lui-même le mobilier de ses scénographies. L’exposition du MAMCO rassemble un important ensemble d’estampes et de dessins qui furent produits pour sa galerie lausannoise, ainsi qu’une sélection de documents d’archives mis à disposition par la famille Rivolta. Elle rend hommage à cet artiste singulier, qui se tint à l’écart des avant-gardes, tout en marquant discrètement, mais durablement, le paysage artistique européen.

  • Exposition est organisée par Elisabeth Jobin
  • Avec le soutien des archives de la galerie Rivolta et The Paul Neagu Estate (UK)
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