g
h

Christian Marclay

Expérience immersive, réflexion méditative sur le temps, The Clock (2010) est une installation composée d’une projection vidéo et de canapés blancs disposés face à un écran dans une salle obscure. La projection dure 24 heures, format de la boucle du film qui n’a ni début ni fin : il débute lorsqu’on entre dans la salle. Horloge cinématographique, The Clock est un immense montage composé de milliers d’extraits de films en couleur et en noir et blanc dans lesquels, d’une manière ou d’une autre, l’heure est indiquée. Chaque minute est déclarée. Les montres bracelet ou à gousset, horloges, cadrans numériques, pendules, réveille-matin, sabliers, panneaux d’affichage mais aussi carillon ou commentaire vocal, tous indiquent l’heure au rythme même du temps. L’heure que l’on voit à l’écran coïncide exactement avec l’heure réelle, minute par minute, quel que soit le lieu où le film est projeté. 

The Clock est plus qu’un scrutateur du temps, elle offre une expérience troublante où le spectateur ne peut jamais oublier sa propre temporalité alors que, simultanément, il est, paradoxalement, absorbé par le flux des images. Cette expérience est totalement différente de celle du cinéma qui, lui, entraîne le spectateur dans le récit et lui fait oublier le temps qu’il passe devant l’écran. Le montage des extraits de films de The Clock ne construit aucun récit ni intrigue. Les scènes d’action ou de suspense de certaines séquences composent une action dramatique et leur enchaînement crée une illusion narrative qui peut nous faire oublier le temps. Mais le narratif est constamment interrompu par une scène qui suggère le passage du temps — on entend un carillon ou on voit une horloge — on ne cesse de se souvenir de l’heure qu’il est… 

Les cinéphiles reconnaîtront quelques films, quelques acteurs. Car The Clock est un hommage au cinéma et aux acteurs, un voyage à travers l’histoire du cinéma en entremêlant des séquences de films de toutes provenances, des films célèbres, classiques ou de série B, des blockbusters aux films muets, aux séries télé de l’industrie hollywoodienne, aux comédies, westerns, films noirs, de science-fiction ou de guerre. Tous ces films qui ont construit notre imaginaire ravivent notre mémoire collective et personnelle. On peut reconnaître certains acteurs à différents moments de leur carrière et, les voir à des âges différents crée un fascinant enroulement du temps dont il est difficile d’ignorer le passage. The Clock est un immense memento mori. 

Il a fallu des milliers de fragments de films pour que les 1440 minutes de la vidéo soient manifestes. Un énorme travail de recherche, de visionnement, de compilation de films pour trouver des séquences se référant au temps, a été fait par une équipe d’assistants de Christian Marclay qui, recevant les clips, les a sélectionnés et a procédé au lent travail solitaire de montage. Celui-ci est virtuose. Certes, de nombreuses œuvres antérieures, sonores ou visuelles, de Christian Marclay ont montré et affirmé son art du collage et du mixage, du sampling, son intérêt permanent pour le lien entre le son et l’image. Mais The Clock — ce qui est remarquable et époustouflant — est à la fois un montage cinématographique et une composition musicale. Chaque clip est, pour lui, une unité visuelle et sonore que le spectateur, même s’il ne reconnaît pas le film dont l’extrait est tiré, voit avec le son qui lui est attaché. Le montage visuel tient à des thèmes (des « charnières », explique l’artiste) qui lient une séquence à une autre — une porte qui s’ouvre ou se ferme, un regard dans une direction, un train qui arrive ou qui part. Ce montage ultra précis est redoublé par le son qui lie (qui sert de « colle », dit l’artiste) plus fortement les séquences. Le son — la voix, le bruit, la musique — débordant par moment, en amont ou en aval, la séquence visuelle lisse les passages d’un extrait à l’autre, harmonise les plans et crée une partition musicale qu’on pourrait entendre pour elle-même. 

The Clock est une œuvre aussi sophistiquée que populaire, aussi répétitive que rythmée, aussi ludique que méditative. Qui nous rappelle le chemin de la vie. Christian Marclay nous rend le temps.

  • Organisée par Françoise Ninghetto avec la Fondation Plaza
  • En collaboration avec Ola
LE MAMCO TIENT À REMERCIER SES PARTENAIRES
FONDATION MAMCOÉtat de GenèveVille de GenèveJTIFondation LeenaardsFondation genevoise de bienfaisance Valeria Rossi di Montelera
ghfk