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Gilles Dusein (1959-1993 ; mort du SIDA)

J’ai eu la chance de connaître Gilles Dusein à la fin des années 1980, lorsque sa galerie, Urbi et Orbi, était située rue de la Roquette dans le 11e arrondissement de Paris. J'ai tout de suite aimé la singularité de son programme, plutôt dirigé vers la photographie, et nous sommes vite devenus amis. Gilles a été l'un des premiers à présenter Nan Goldin, qui a été pour moi un choc artistique, mais aussi Zoe Leonard et tant d'autres – Pierre Molinier, Sandy Skoglund, Jan Saudek... – qui parlaient d’une urgence, d’autres styles de vie que ceux auxquels nous étions habitués à Paris. Au début des années 1990, Urbi et Orbi est devenue une galerie itinérante et j'ai, à cette époque, travaillé avec Gilles : sa vision d’insérer sa galerie dans les espaces des autres pour proposer une « autre » vision de l’art me semblait être celle du futur.

Gilles Dusein était un personnage hors du commun. Quand je l'ai connu, il subvenait à ses besoins en étant danseur à l’Alcazar tout en suivant des cours de philosophie (il faisait partie du cercle de Michel Foucault). Très tôt, en avance sur son époque, il a choisi principalement le médium photographique, tout en restant curieux de toute démarche créatrice (comme le montre sa collection). Jacques Donguy, galeriste qui montrait des artistes radicaux, lui avait proposé de concevoir une partie de sa programmation et c'est ainsi que Gilles a commencé sa carrière de galeriste. Il habitait un modeste appartement au-dessus du cimetière du Père Lachaise, faisant déjà face à son destin. Il partageait alors sa vie avec Gotscho et des photographies inoubliables d’eux ont été publiées par Nan Goldin, qui les a accompagnés jusqu’à la mort de Gilles. Ils vivaient avec les œuvres d’art de leur proche : Nan Goldin, Zoe Leonard, Pierre Keller, Larry Clark, Jean-Christian Bourcart, Pierre Molinier, Angela Bulloch, Jack Pierson et tant d’autres. Le point commun de ces artistes est leur engagement, le fait qu'ils se permettaient un autre style de vie que celui de la majorité. 

Gilles était bien conscient qu'il était différent, qu'il faisait partie d'une minorité, mais il avait choisi la liberté. Cette liberté que l’on gagne lorsque l’on avance en assumant sa vie autant que faire se peut. La liberté est toujours dans la conscience de nos limites. En fait, il vivait dans sa vie, dans sa chair, le message que nous a alors transmis Michel Foucault (qui lui aussi se savait dans la minorité et une certaine déviance) : n’oubliez pas d’inventer votre vie. 

—Caroline Bourgeois

  • La collection « Autour de Gilles Dusein » a été offerte au MAMCO grâce au soutien des artistes, de Serge Aboukrat, de Christian Bernard et de Caroline Bourgeois
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