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Time = space between appointment and meeting (le temps est l’espace qui sépare un rendez-vous d’une réunion) : ces quelques mots écrits (dessinés) par Castoro le 3 novembre 1968 pourraient résumer l’œuvre volontiers complexe, conjuguant élan analytique et relationnel, que l’artiste réalise, tout comme ils semblent évoquer la réception fracturée de sa pratique.

Dans son loft de SoHo à New York, côtoyant notamment Lawrence Weiner, Sol LeWitt, Agnes Martin, Carl Andre et Yvonne Rainer, Rosemarie Castoro (1939-2015) a construit une démarche singulière et inclassable. Elle participe, par exemple, à l’exposition Distillation organisée en 1966 par Eugene Goossen, chantre d’une peinture américaine affranchie de toute référence externe. Elle est aussi l’une des trois femmes présentes, aux côtés de Christine Kozlov et Adrian Piper, dans l’anthologie qu’Ursula Meyer consacre à l’art conceptuel à la fin des années 1960. Elle participe également aux célèbres expositions Numbers de Lucy Lippard dans la même période. Lippard ne manque pas de la mentionner dans sa propre anthologie sur l’art conceptuel, avec une œuvre in situ dont le MAMCO conserve une photographie : l’espace de la galerie Paula Cooper marqué par une faille dessinée par un ruban adhésif aluminium d’un demi pouce de large.

Traversant les derniers récits modernistes que sont l’art minimal et conceptuel, Rosemarie Castoro n’a de cesse d’explorer ce qui les excède : le contexte d’énonciation, bien sûr, mais aussi le corps en tant qu’instrument physique, enjeu psychologique puis social. Elle explore les possibilités de la peinture abstraite ou monochrome avant d’en étendre les modalités. Une extension formelle, vers l’espace du corps et l’espace même de l’exposition, une extension conceptuelle par le biais du diagramme et du langage. Elle porte le langage, alors employé à des fins structuralistes et réductionnistes, vers le poétique, elle corrompt les formes élémentaires par un traitement haptique, incorporé et sexualisé. Ayant participé aux réflexions de l’Art Workers’ Coalition, elle envisage l’héritage moderniste en regard de questions sociales et politiques.

De 1965 à 2015, Rosemarie Castoro a élaboré une œuvre dont la contingence pourrait être le fil d’Ariane, signe d’une volonté de s’affranchir d’une rhétorique de l’absolu et de la permanence comme valeurs masculines. L’exposition, organisée en chapitres, offre un parcours rétrospectif de la pratique d’une artiste qui préféra la transgression et la métamorphose à l’orthodoxie et la progression linéaire.

  • Exposition organisée par Julien Fronsacq
  • L'exposition a reçu une donation de la Soros Charitable Foundation
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