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L’Agence, 1987-1988

En décembre 1987, à la Cable Gallery à New York, l’artiste français Philippe Thomas (1951-1995) ouvre sa première agence à laquelle il donne le nom « readymades belong to everyone® ». Cette ouverture est suivie en septembre 1988 par la création d’une filiale française à Paris, à la galerie Claire Burrus, filiale dénommée « les ready-made appartiennent à tout le monde® ».

les ready-made appartiennent à tout le monde® est une agence de communication et de production d’événements qui propose des services. Conséquence la plus immédiate : l’artiste — ses nom et prénom — disparaît ici comme signataire de l’activité artistique au profit d’une qualification impersonnelle de cette dernière. La référence à Duchamp est manifeste mais est aussi enregistré un certain état du monde marchand, un certain âge de la production (ainsi le ® dans le nom de l’entreprise désigne une société à responsabilité limitée). Pour sa création, l’agence consistait en un bureau et une salle d’attente installés dans un seul et même lieu, tel le vrai espace d’accueil et de travail d’une société commerciale. L’agence les ready-made appartiennent à tout le monde® a développé un certain nombre de projets et de campagnes publicitaires, quelquefois avec d’autres agences de communication comme Dolci Dire & Associés ou BDDP/Paris. Dans ces derniers, on retrouve une esthétique de la communication aux formes bien typées : affiches et panneau publicitaires portant des slogans et des images fortement construites. Parmi les pièces les plus marquantes créées par l’agence, il y a les codes-barres, ces signes apposés sur tous les produits manufacturés disponibles à l’achat, sorte de signature numérique de toute marchandise, qui se retrouvent ici monumentalisés et présentés comme des tableaux reproductibles à l’infini. Ils sont au total plus d’une trentaine et montrent un certain état du monde marchand transformé en une manière de nature morte contemporaine aux auteurs multiples. Car Philippe Thomas inventait des œuvres prêtes à la signature : s’il assumait totalement la création voire la fabrication des pièces, à partir de la fin des années  1980 il ne les contresignait jamais, disparaissant ainsi aux yeux de tous au profit de l’agence ou bien de collectionneurs et autres personnalités du monde de l’art qui devenaient publiquement les seuls signataires des œuvres. Cette fiction à la recherche de ses personnages nous propose donc le travail extrêmement contrôlé d’une figure artistique finalement absente, et cela du début à la fin de l’existence de son activité entrepreneuriale. Ainsi, dès septembre 1994, l’ultime exposition de l’agence  les ready-made appartiennent à tout le monde® se tint au MAMCO. Cette présentation est devenue une œuvre de la collection du musée, avec la plupart des objets qui la composaient à l’époque. Ce sont des cartons remplis et du matériel d’emballage, ceux d’une entreprise qui stocke ses archives — ses documents administratifs et de gestion mais aussi certaines des images scandant un trajet artistique — puisqu’elle cesse toute activité. Par ce geste, l’artiste, qui mourut quelques mois après l’ouverture de l’exposition, bouclait avec beaucoup de maîtrise, de lucidité et de distance, mais aussi de pudeur, son entreprise, celle d’un art qui aura voulu acter la disparition de l’auteur et qui sera néanmoins parvenu à inventer un style.

    LE MAMCO TIENT À REMERCIER SES PARTENAIRES
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